dimanche 14 décembre 2014

Quelle organisation territoriale pour quel parcours en santé mentale ?

L'Institut de Recherche et Documentation en Économie de la Santé (IRDES) publie en ce mois de décembre 2014 un intéressant rapport sur l'offre et l'organisation des soins en psychiatrie. Intéressant, parce qu'il pointe d'importantes disparités entre les 106 territoires de santé français, notamment en matière de recours aux soins hospitaliers :




http://www.irdes.fr/recherche/rapports/558-les-disparites-territoriales-d-offre-et-d-organisation-des-soins-en-psychiatrie-en-france.pdf


Intéressant aussi, parce qu'il démontre que l'offre en soins hospitaliers est essentiellement tournée vers l'hospitalisation à temps complet (densité moyenne de lits = 109,5 pour 100.000 habitants), au dépend des places d'hospitalisation à temps partiel (densité = 37,4) et des lits et places "à temps complet" en alternative à l'hospitalisation (accueil familial thérapeutique, post-cure psychiatrique, appartements thérapeutiques..., densité = 12,5).


http://www.irdes.fr/recherche/rapports/558-les-disparites-territoriales-d-offre-et-d-organisation-des-soins-en-psychiatrie-en-france.pdf

 
Intéressant enfin, en matière de durée moyenne d'hospitalisation en établissement de santé psychiatrique (53,6 jours en France), puisqu'il existe des disparités en fonction du type d'établissement:
  • 41,2 jours dans les établissements de santé publics pluridisciplinaires ;
  • 52,7 jours dans les établissements de santé publics spécialisés ;
  • 56,6 jours dans les établissements de santé privés d'intérêt collectif ;
  • 73,3 jours dans les établissements de santé privés à but lucratif.
Comment expliquer de tels écarts ?

Dans un contexte national de "virage ambulatoire" (virage dans l'organisation des services de santé où la personne pouvant se déplacer n'est plus hospitalisée pour recevoir les traitements et les interventions qui lui sont nécessaires), des marges de manœuvres semblent exister pour écourter et même à éviter les séjours en milieu hospitalier en donnant davantage de services plus près des milieux de vie. En matière de chirurgie, 50% des actes ont vocation à être réalisées en ambulatoire à la fin de l'année 2016 : cela implique la transformation de lits d'hospitalisation complète en chirurgie en places de chirurgie ambulatoire. Ce virage a-t-il vocation à concerner la santé mentale ?

Oui, très probablement, même si 71% des usagers des services de psychiatrie sont déjà exclusivement suivis en ambulatoire, avec cependant des disparités en matière de délai d'accès. Dans ce cadre, les coopérations entre médecins psychiatres, psychologues, infirmiers ont tout intérêt à être optimisées ; même si la France se classe 3e des pays de l'OCDE en densité de médecins psychiatres, ceux-ci ne peuvent faire face seuls au fardeau des maladies mentales chroniques :
  • plus d'un quart de la population mondiale en souffrira un jour ou l'autre ;
  • elles représentent le 2e poste de dépenses pour l'assurance maladie française, derrière les hospitalisations ponctuelles et devant les maladies cardio-vasculaires ou le diabète.

http://www.irdes.fr/recherche/rapports/558-les-disparites-territoriales-d-offre-et-d-organisation-des-soins-en-psychiatrie-en-france.pdf


Un rapport qui nécessite un regard averti, mais très instructif pour engager le virage ambulatoire, optimiser la pertinence des modes de prise en charge et ainsi améliorer les parcours de santé mentale...

Référence : Doldefy M, Le Neindre C. Les disparités territoriales d’offre et d’organisation des soins en psychiatrie en France : d’une vision segmentée à une approche systémique. IRDES, décembre 2014.

dimanche 1 juin 2014

Accident vasculaire cérébral : la télémédecine au service de l'accès aux soins

L'agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) publie un nouveau guide sur le thème "accident vasculaire cérébral (AVC) et télémédecine". Séquelles physiques et psychologiques, 3e cause de mortalité en France, vieillissement de la population, évolution de modes de vies : l'AVC est une priorité évidente de santé publique, du fait de sa fréquence, de ses conséquences et de sa probable augmentation dans le futur proche. Cette priorité se traduit par un objectif clair : faire en sorte que "tout patient se trouve à moins de 30 minutes d’une structure pouvant le prendre en charge dans les règles de l’art, sauf exception géographique particulière". Or, comme le montre la carte ci-dessous, le délai d'accès à une "unité neuro-vasculaire" (UNV) reste inégal sur le territoire français.


Source : site de l'ANAP


Un meilleur maillage du territoire, prenant en compte la démographie en médecins neurologues, est donc nécessaire pour assurer une égalité des chances à la phase aiguë de l'AVC. Pour ce faire, la télémédecine est un levier très intéressant, puisqu'elle permet le recours à une expertise neurologique à distance, en mettant notamment en lien les structures d'urgence de proximité avec un télé-expert neurologue.

Sur la base d'un retour d'expériences, ce guide balaye les différentes étapes d'un projet régional de déploiement de la télémédecine au cœur des filières de prise en charge de l'AVC. Il est donc précieux à la fois pour les agences régionales de santé (ARS) et pour les acteurs des territoires.

Précieux, car le sujet peut apparaitre simple (équiper les lieux de prise en charge pour qu'ils puissent communiquer entre eux), mais il n'en est rien... 

Par exemple, au sein des 3 régions présentées comme pilotes, la télémédecine a nettement augmenté le nombre d'AVC pris en charge (les auteurs estiment qu'il faut tabler sur + 30%) ; si cette meilleure détection est une excellente nouvelle pour la population, elle nécessite de bien calibrer la capacité d'accueil des UNV et de disposer des personnels qualifiés...

Par ailleurs, le modèle d'organisation dépend des besoins régionaux, qu'il convient de bien évaluer :

Source : site de l'ANAP


Un pilotage régional, mis en place par l'ARS, est donc nécessaire. Ce guide fournit toutes les clés pour réussir le mariage entre la filière AVC et la télémédecine.

http://www.anap.fr/detail-dune-publication-ou-dun-outil/recherche/la-telemedecine-en-action-prise-en-charge-de-lavc-support-daide-au-deploiement-regiona/

dimanche 18 mai 2014

Pertinence des soins, inégalités territoriales : la chirurgie de la prostate en question

L'institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) affiche sur son site internet son principal objectif : contribuer à nourrir la réflexion de tous ceux qui s'intéressent à l'avenir du système de santé. Objectif atteint avec cet article intéressant intitulé "la pertinence des pratiques d'hospitalisation : une analyse des écarts départementaux de prostatectomies".

Intéressant, car la question de la pertinence des soins (voir article de mon blog) s'invite de plus en plus souvent sur le devant de la scène, sous diverses appellations (actes inutiles, actes redondants, optimisation des parcours de soins...).

Intéressant, car cet article met en lumière, sur la base de données datant de 2009, les inégalités départementales en termes d'ablation chirurgicale complète de la prostate, et donc de prise en charge du cancer de cette même prostate. Certes, il ne s'agit pas d'une surprise, l'analyse des taux de recours standardisés pour d'autres gestes chirurgicaux montre le même type de disparités, raison pour laquelle le ministère de la santé et l'assurance maladie s'intéressent à la pertinence de ces actes. Pour autant, cet article confirme l'urgence de passer à l'action.


http://www.irdes.fr/recherche/documents-de-travail/059-la-pertinence-des-pratiques-d-hospitalisation-une-analyse-des-ecarts-departementaux-de-prostatectomies.pdf


Intéressant aussi, parce que cette étude a réussi à dégager 1 point clé : l'offre de soins influence directement le taux de prostatectomie : "les départements avec plus d’urologues par habitant sont caractérisés par un taux de prostatectomies plus élevé" (page 10), "une hausse de l’offre hospitalière régionale entrainera une hausse du nombre de prostatectomies dans le département" (page 11). A l'inverse, le niveau de revenus du patient, le taux de mortalité par cancer de la prostate, le taux de dosage de PSA ou la répartition public/privé de l'offre de soins n'influencent pas ce taux.

Intéressant enfin, car les variations de taux de recours interrogent directement les pratiques professionnelles. Comme le précise la conclusion de cet article (page 12) : "il ne faut pas oublier qu'in fine la pertinence des soins médicaux est sous la responsabilité des médecins. Investir, avec les professionnels de santé, sur les recommandations cliniques afin de promouvoir une plus grande cohérence des pratiques médicales est nécessaire pour les rapprocher. L’information est également capitale pour aider les patients à prendre des décisions plus éclairées sur les interventions qui les concernent". Très pertinent !

Deux points faibles à retenir cependant : les taux de recours sont calculés à partir de données un peu anciennes (2009) pour un article paru en 2014 (la base PMSI permet d'extraire des données chaque année) ; de potentiels facteurs de risque individuels (notamment génétiques) et environnementaux de cancer de la prostate pourrait en partie expliquer les variations inter-départementales des taux de recours (cet aspect n'est pas évoqué dans la discussion).

dimanche 11 mai 2014

Le DPC décortiqué par l'IGAS : vers une simplification ?

L’inspection générale des affaires sociales (IGAS) a publié en avril 2014 un rapport concernant le développement professionnel continu (DPC).

Premier constat, le titre de ce rapport est un peu confus : « Contrôle de l’Organisme gestionnaire du développement professionnel continu et évaluation du développement professionnel continu des professionnels de santé ». Contrôle ? Évaluation ? Organisme gestionnaire (OGDPC) ou dispositif complet ? Au final, un peu tout cela. Si la commande ministérielle (lettre de mission datée du 1er juillet 2014, page 61 du rapport) était de contrôler l’OGDPC, les inspecteurs ont rapidement constaté qu’ils ne pouvaient s’intéresser qu’au sommet de l’iceberg. Le champ de leur mission a donc été élargi.

Deuxième constat, le sujet est tellement complexe (voir infographie ci-dessous, source : site de la Haute Autorité de Santé) que la mission d’inspection propose 4 scenarii différents, allant du maintien du système actuel avec quelques retouches à sa suppression quasi-complète… Toutefois, les inspecteurs affichent leur préférence pour un scenario « intermédiaire ».

http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1288556/fr/developpement-professionnel-continu


Troisième constat : les auteurs de ce rapport semblent peu au fait des notions d’évaluation des pratiques professionnelles (EPP), pourtant au cœur du DPC. Le rapport est essentiellement construit sur une vision de ce que pourrait être la formation des professionnels de santé ; or, dans le cadre d’un DPC efficient, pas de formation sans EPP…

Voici une synthèse des principales problématiques soulevées par ce rapport :
  • Obscurité du dispositif pour les professionnels de santé : absence de définition légale du contenu d’un programme de DPC, organisation insuffisante des sanctions en cas de non satisfaction de l’obligation, procédures différentes en fonction de la profession (ordre professionnel ou non) et du mode d’exercice (libéral, salarié en établissement) voire absence de procédure claire salarié hors établissement), système d’information mal calibré et site internet peu lisible ;
  • Gestion administrée trop bureaucratique : multiplicité des pilotes au niveau de l’OGDPC (Direction Générale de l’offre de soins, direction de la sécurité sociale, cabinet du ministère), lourdeur des procédures d’enregistrement pour les organismes de DPC, contrôle insuffisant de la qualité des prestations (au moment de l’enregistrement et dans les années qui suivent), situations de monopôle de certains organismes allant à l’encontre du principe de libre concurrence ;
  • Financement inadapté : enveloppe globale sous-dimensionnée au regard des besoins (coût intégral estimé à plus d’un milliard d’euros), multiples sources issues de la fusion de dispositifs antérieurs, impossibilité de recourir à des fonds privés ;
  • Manque de transparence : fréquents liens d’intérêts entre les membres des différentes instances et les organismes de DPC (dont ils sont parfois salariés), déclaration publiques d’intérêts collectées de manière non exhaustive, absence de réelle gestion des conflits d’intérêts (faire en sorte qu’un décideur ne prenne pas part à une décision concernant un organisme avec qui il est en lien).

Sur la base de ce constat, voici quels sont les 4 scenarii envisagés :
  1. Maintien et amélioration du dispositif actuel : DPC obligatoire, défini par ses objectifs, financé sur fonds publics, géré par un organisme administratif sur avis des professionnels et commun à l’ensemble des professions de santé tous statuts et mode d’exercice confondus. Les inspecteurs recommandent dans ce cas certains ajustements : recalibrer les financements sur la base d’une taxe unique à l’assiette élargie, rendre effective l’obligation de DPC (clarifier la notion d’insuffisance professionnelle) tout en assouplissant de la période d’obligation (triennale et non plus annuelle), réorienter les moyens humains de l’OGDPC vers l’évaluation de la qualité des programmes mis en place par les organismes de DPC (au moment du dépôt de dossier et lors de contrôles a posteriori), mener une réflexion sur les financements privés tout en garantissant l’indépendance des programmes de DPC.
  2. Un OGDPC pilote mais une gestion déléguée : l’activité de l’OGDPC serait ainsi recentrée sur la répartition des financements entre les différents organismes collecteurs, qui assureraient l’ensemble des autres missions, exceptées la gestion de la qualité (évaluation a priori des organismes et le contrôle a postériori des programmes) et l’information des professionnels. L’OGDPC pourrait également piloter la mise en œuvre de programmes pluriprofessionnels, intersectoriels, sur la base de priorités de santé publique, en procédant par appel d’offre.
  3. Un DPC recentré sur les connaissances critiques, c’est-à-dire la sécurité des soins, socle minimal mieux proportionné aux capacités budgétaires actuelles. Les programmes de DPC reposeraient sur des « modules de formation très courtes assurant une actualisation minimale des connaissances compte-tenu des progrès récents de la médecine ».
  4. Une application du droit commun de la formation : cette solution supprimerait l’obligation légale du DPC au profit d’une obligation déontologique de « formation et d’actualisation des connaissances ». L’OGDPC (et ses commissions) et le financement public du DPC seraient supprimés. Le financement serait assuré, pour les libéraux, par des points de ROSP (rémunération sur objectifs de santé publique) et/ou une autorisation de majoration de tarif (par exemple de 0,50€ par acte) ; pour les salariés dans le cadre des plans de formation, avec un lien vers la certification HAS dans les établissements de santé.

Le scenario n°1 propose une version faiblement retouchée voire complexifiée ; dans le même temps, les scenarii n°3 et 4 sont essentiellement basés sur une approche formative et minimaliste du DPC, renvoyant l’EPP dans un placard déjà plein de dispositifs non aboutis…

Il n’est donc pas étonnant que le scenario n°2 soit privilégié par les auteurs de ce rapport : il a l’avantage de conserver les grands principes du DPC (obligatoire pour tout professionnel et indépendant, méthodes élaborées par la HAS) tout en réorientant l’OGDPC vers de vraies missions de pilotage (délégation de la gestion des fonds, qualité du dispositif, guichet unique d’information des acteurs). La question du financement reste malgré tout problématique : un sous-financement chronique nuirait à la qualité du dispositif, tandis qu’une ouverture à un financement privé nuirait à l’indépendance du DPC…

lundi 5 mai 2014

Propositions du CISS pour améliorer la santé de « 66 millions d’impatients »

Le Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS) regroupe 40 associations intervenant dans le champ de la santé : créé en 1996, le CISS se positionne comme un interlocuteur crédible représentant et défendant les intérêts communs à tous les usagers du système de santé, au-delà de tout particularisme.




Souhaitant peser sur le contenu de la future loi de santé (prévue pour le 2e semestre 2014), le CISS vient de publier « 30 propositions, pour une révolution en marche avec les patients ». Ces propositions sont basées sur le constat suivant (page 2) : « si l’on doit se féliciter que le gouvernement ait décidé de mettre en place une stratégie nationale de santé, les associations membres du CISS ne peuvent se satisfaire du document  mis en circulation à ce titre par les pouvoirs publics le 23 septembre 2013. Nous attendons des changements plus puissants : plus de santé publique, plus d’effectivité dans l’accès aux soins et plus de transparence ».

Voici une synthèse des principales propositions (à visée populationnelle) contenues dans le document en question :

Axe 1 / Promotion de la santé : la nouvelle ère !
  • Renforcer les dispositifs actuels de contractualisation au profit de la prévention : rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) négociée entre les médecins traitants et l’assurance maladie (AM), contrats d’amélioration de la qualité et de la coordination des soins (CAQCS) entre les établissements de santé, l’agence régionale de santé (ARS) et l’assurance maladie.
  • Créer des « Espaces d’information et d’orientation en santé (EIOP) » dans les territoires, financées par les agences régionales de santé et conçues comme de véritables délégations à des consortium d’acteurs publics et/ou privés, notamment les associations, permettent d’informer la population sur la prévention, l’offre en santé et les droits sociaux.
  • Revoir les financements de la prévention et de la promotion de la santé pour qu’ils constituent au minimum 10% du budget des ARS (contre environ 5% actuellement).

Axe 2 / Accès aux soins : plus d’effectivité !
  • Sur le plan financier > opérer une révision générale des tarifs des actes de soins pour qu’ils soient payés et remboursés à leur juste prix ; mettre fin aux franchises médicales et à la participation forfaitaire de 1 euro ; mettre en œuvre un plan national quinquennal d’optimisation des dépenses de santé dans les domaines déjà identifiés : inadéquations hospitalières, évènements indésirables graves liés aux soins, iatrogénie, lutte contre les soins inutiles.
  • Sur le plan organisationnel > créer des centres d’accompagnement pour l’autonomie en santé (CAAS), à l’initiative des associations de patients et/ou des services de santé, pour proposer aux patients qui le souhaitent des actions d’information, d’orientation, de prévention, d’accompagnement et de soutien psycho-social rendues nécessaires dans le cadre de leurs parcours de santé.

Axe 3 / Démocratie en santé : un vrai pilier, pas une béquille !
  • Renforcer la place de la commission des usagers des établissements de santé, en l’impliquant activement dans l’élaboration du volet « Qualité-Sécurité-Accueil » du projet d’établissement.
  • Renforcer l’implication des représentants des usagers, notamment au sein d’instances nationales, comme le collège de la Haute Autorité de Santé (HAS), le comité économique des produits de santé (CEPS), ou la commission de la transparence, pour limiter les risques de crises sanitaires.
  • Financer les associations d’usagers à hauteur de 0,04% du budget des établissements de santé (soit environ 30 millions d’euros contre 3 millions à ce jour), au nom de l’intérêt général, dans le cadre d’un fonds autonome au sein de l’assurance maladie.

Création de structures, financements à dégager : ces propositions ne manqueront pas de poser question en termes de faisabilité… le CISS en a d’ailleurs conscience puisque la conclusion du document (page 11) est la suivante : « Ce positionnement pourra apparaître aux yeux de certains comme disproportionné dans un contexte de contraintes financières majeures. Comme nous l’avons fait remarquer, nous dépensons à tort. Il suffit donc de se montrer rigoureux sur les dépenses inutiles pour redéployer des moyens vers la santé publique, l’accompagnement de ceux qui le réclament et la juste représentation des intérêts des usagers dans la décision publique en santé ».

jeudi 1 mai 2014

Juste prix des médicaments : pour une prise de décision basée sur la transparence et l'efficience


Source : site du commissariat général à la stratégie et à la prospective


Mais pourquoi s'intéresser aux prix des médicaments ? Avant tout parce les dépenses publiques de médicaments s'élèvent à 27 milliards d'euros en 2012 ; pour les ménages, les médicaments représentent plus d'un tiers de leurs dépenses nettes de santé (poste de dépenses le plus important). Le besoin de régulation est donc majeur. Cependant, cette régulation se heurte à un des enjeux contradictoires pour les pouvoirs publics, qui doivent à la fois :
  •  permettre l'accès pour tous à des médicaments sûrs et efficaces ;
  • soutenir une industrie pharmaceutique créatrice d'emplois et de croissance ;
  • limiter les dépenses publiques.

Le prix doit traduire la valeur économique du médicament

L'infographie ci-dessous décrit le processus de fixation du prix d'un médicament ayant obtenu son autorisation de mise sur le marché (source : site du commissariat général à la stratégie et à la prospective).




La négociation entre l'industrie pharmaceutique et le Comité Économique des Produits de Santé (CEPS) porte essentiellement sur l'amélioration du service médical rendu, les prévisions de vente en volume, les prix des molécules de la même classe et les prix dans les pays voisins (s'ils sont connus). Problème, comme le précise la note de synthèse (page 7) : "Dans le système français, le progrès thérapeutique, même mineur, est récompensé : on observe ainsi des écarts de prix, parfois importants, entre médicaments similaires qui présentent souvent une très faible plus-value thérapeutique par rapport aux médicaments déjà présents sur le marché. Si un tel dispositif peut encourager l'innovation, il favorise en revanche une prolifération de médicaments similaires". Il s'agit des fameux "me too", stratégie de contournement de l'industrie pharmaceutique lorsque le brevet d'une molécule tombe dans le domaine public...

L'évaluation de la seule "valeur ajoutée thérapeutique" n'est donc plus suffisante : il est grand temps de prendre en compte la valeur économique d'un médicament, c'est-à-dire son efficience (rapport entre son efficacité et son coût) en la comparant à celle des médicaments déjà disponibles. Cette valeur économique permettra de fixer un prix plus juste, mais aussi de faire varier la durée du brevet du médicament : plus longue s'il est réellement innovant et efficient, plus courte pour les "me too" (qui pourront ainsi être inscrits plus rapidement au répertoire des génériques).

Moins d'opacité, plus de transparence...

Toujours page 7 de la note de synthèse : "Si le prix des médicaments sous brevet est négocié entre le CEPS et les industries, les marges de manœuvre des autorités régulatrices sur la définition du prix sont, dans les faits, relativement ténues, au moins pour 3 raisons". Ces raisons sont les suivantes :
  • la négociation est déséquilibrée, seule l'industrie pharmaceutique disposant de toutes les données économiques (coûts, marges) et scientifiques (état de la recherche, éthique...) ;
  • les délais de prise de décision sont courts (15 jours pour s'opposer à la proposition de prix) : si cette situation favorise l'accès rapide à l'innovation, elle ne permet pas toujours de réunir tous les éléments nécessaires à la fixation du juste prix ;
  • une fois le prix fixé, toute modification prend beaucoup de temps.
Qui plus est, comme le précise très bien cette note de synthèse, le système est à la fois complexe et opaque, loin des exigences actuelles de transparence, notamment en termes de liens d'intérêts entre les différents acteurs.

Globalement, le commandant du bateau semble naviguer dans le brouillard sans système de guidage performant... La solution pourrait bien être européenne : harmonisation des méthodes d'évaluation, incluant plus de données économiques, sociales et éthiques sur l'usage des médicaments, et mutualisation accrue des données de négociation de prix entre les différents pays (à ce jour, les niveaux de prix sont très hétérogènes en Europe). L'association plus étroite des usagers, dans une optique de réelle démocratie sanitaire, pourrait également apporter plus de transparence.

Un vrai pilote dans l'avion, pour plus d'innovation

Données d'efficience et transparence accrue : les pouvoirs publics devraient ainsi être mieux informés pour fixer le juste prix (et la juste durée du brevet) des nouveaux médicaments. Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Comme le souligne la conclusion de cette note (page 11), "le besoin d'un pilotage stratégique de l'innovation et de la recherche se fait ressentir". Ainsi "un des enjeux majeurs tient sans doute à une négociation plus ambitieuse avec les industriels qui porterait moins sur le prix que sur les secteurs d'innovation à promouvoir dans les années à venir".

mardi 22 avril 2014

Démocratie sanitaire : un ouvrage intéressant au titre trompeur

 "Démocratie sanitaire, les nouveaux défis de la politique de santé" : tel est le titre de l'ouvrage [1] de Didier Tabuteau publié aux éditions Odile Jacob en septembre 2013.




Majuscules, couleur rouge, les 2 premiers mots du titre laissent présager un livre entièrement consacré à la "démocratie sanitaire", qui peut être définie comme "la politique conjointe des professionnels, des usagers et des élus, à la définition d'une politique de santé publique, afin d'améliorer le fonctionnement et l'efficacité du système de santé" [2, page 189]. Ministère de la santé (lorsqu'il existait encore), associations de patients, agences régionales de santé (conférence régionale de santé et de l'autonomie, conférences de territoire) : le lecteur pourrait s'attendre à un panorama des expériences récentes les plus pertinentes.

Or il n'en est (presque) rien. Si cet ouvrage dresse un inventaire très intéressant des évolutions de la politique de santé (historique, analyse des choix effectués, orientations pour le futur), il ne fait qu'effleurer la "démocratie sanitaire" dans son chapitre "le principe de confiance", qui plus est en la résumant à la notion de "droits des malades". En cela, le titre de cet ouvrage est trompeur...

Pour autant, pour le lecteur qui souhaite en savoir plus sur le système de santé, ses évolutions passées et futures, ce livre apporte un éclairage très pertinent... Voici le texte figurant sur la 4e page de couverture (source : site des éditions Odile Jacob) :

Progrès médicaux, crises sanitaires, déserts médicaux, inégalités de santé, réglementations de santé publique, financement de l’assurance-maladie, défis de la bioéthique : les questions de santé constituent des enjeux politiques majeurs. À partir d’une analyse de l’histoire du système et de la politique de santé, Didier Tabuteau examine ces grandes questions.

Comment concilier sécurité, liberté et égalité ? Quelles sont les limites de l’ambition d’universalité proclamée pour l’assurance-maladie ? Comment l’exigence de décentralisation peut-elle affecter les politiques de santé ? Quels sont les effets de la concurrence ? Comment s’articule le débat sur les prélèvements obligatoires ?

Autant d’interrogations cruciales à un moment où l’État providence est malmené par une crise économique d’une ampleur exceptionnelle. Avec en filigrane la question de l’indispensable réforme du système de santé et d’assurance-maladie. Et pour ambition l’édification d’une véritable démocratie sanitaire.

Références
1. Tabuteau D. Démocratie sanitaire, les nouveaux défis de la politique de santé. Odile Jacob 2013.
2. Lajarge E, Debiève H, Nicollet Z. Aide Mémoire. Santé Publique. Dunod 2013.

lundi 7 avril 2014

Des pistes pour un usage plus pertinent des médicaments…





Le constat est simple : la consommation française en médicaments est supérieure de 22% à la moyenne européenne ; concernant les psychotropes, cette consommation est presque 2 fois plus élevée. Si la question du coût pour la société est primordiale, cette situation de « surconsommation » expose les patients eux-mêmes à un certain nombre de risques : iatrogénie, pharmacodépendance, émergence de bactéries résistantes, pollution de l’environnement (dont les conséquences sur la santé restent encore mal connues)… Durant l’année 2012, 14.000 tonnes de médicaments ont été incinérés via l’association Cyclamed ; la quantité de médicaments non utilisés chaque année est estimée à 23.300 tonnes, ce qui témoigne d’un gaspillage non négligeable.




Cette note d’analyse s’appuie sur les expériences étrangères pour proposer des évolutions et ainsi favoriser « un recours pertinent au médicament ». En résumé, ces évolutions concernent 3 types d’acteurs :
  1. Les pharmaciens : un repositionnement plus clair en tant que professionnel de santé, mieux impliqué dans l’information éclairé du patient et la préparation des doses à administrer chez les patients les plus fragiles, passerait nécessairement par de nouveaux modes de rémunération (forfait d’éducation thérapeutique par exemple). Le recours à des piluliers électroniques, la dispensation des médicaments à l’unité et le développement de « groupes de pairs pluriprofessionnels », incluant les pharmaciens, sont des pistes intéressantes.
  2. Les médecins prescripteurs : aujourd’hui confrontés à 2.800 substances actives et incités par la visite médicale de l’industrie pharmaceutique à prescrire les médicaments les plus récents (donc les plus chers), les médecins prescripteurs pourraient tirer bénéfice d’une liste officielle des « médicaments essentiels » et d’un développement professionnel continu réellement indépendant. Autre point crucial : 90% des consultations donneraient lieu à une prescription (contre 43% aux Pays-Bas et 72% en Allemagne) ; si l’ordonnance joue en France un rôle symbolique très fort (reconnaissance de l’état du patient, contrepartie au paiement et manière de clore la consultation), la prescription des règles hygiéno-diététiques et des approches non médicamenteuses mérite d’être développée.
  3. Les usagers du système de santé : fortement influencés par des représentations collectives, les comportements individuels méritent d’être accompagnés par une information de qualité. Organisme public d’information, messages simples (le médicament est une solution parmi d’autres), supports adaptés, entrée par symptôme : telles sont les orientations préconisées par ce document.
 Autre problématique : la complexité et l’opacité de la régulation des prix des médicaments ; mais il s’agit là d’une autre histoire, traitée dans un 2e volet

vendredi 7 février 2014

Plan cancer 2014 – 2019 : quelle place pour les agences régionales de santé (ARS) ?

Les principaux objectifs du nouveau plan cancer 2014 – 2019 sont résumés en une phrase présente sur sa couverture : « guérir et prévenir les cancers : donnons les mêmes chances à tous, partout en France ». Au programme : des traitements plus efficaces, une meilleure prévention des cancers évitables et une égalité dans l’accès aux soins. Rien de bien nouveau dans l’absolu, raison pour laquelle une lecture intégrale des 152 pages du plan s’impose au lecteur avide d’éléments plus concrets.




Entre autres sujets, comment ce plan sera-t-il décliné au niveau des régions ? Quelles sont les missions qui devront être assurées par les Agences Régionales de Santé (ARS) ?

1. Guérir plus de personnes malades

 
Action 1.1 : Permettre à chaque femme de 25 à 65 ans l’accès à un dépistage régulier du cancer du col utérin via un programme national de dépistage organisé. Assurer, sous la responsabilité des ARS, la diversification des effecteurs et lieux de réalisation des frottis cervicaux‐utérins, et impliquer l’ensemble des professionnels et collectivités concernés dans le programme de dépistage afin de faire face aux évolutions démographiques (médecins généralistes, gynécologues, sages‐femmes, pathologistes, biologistes). Développer des actions d’information et de sensibilisation de la population et cibler particulièrement en lien avec les ARS les départements dont les taux de couverture sont inférieurs à 50 % de la population cible.

Action 1.7 : Lutter contre les inégalités d’accès et de recours aux programmes de dépistage. Suivre et analyser spécifiquement, en vue de mener des actions ciblées en lien avec les ARS, la participation aux programmes de dépistage de populations identifiées comme vulnérables ou ayant des difficultés d’accès : personnes en situation de précarité, de handicap (moteur, sensoriel ou mental), personnes vivant en lieux de privation de liberté (établissement pénitentiaire), personnes résidant dans des institutions, personnes isolées géographiquement, ou devant faire face à des difficultés socioculturelles ou linguistiques. Produire, en lien avec les ARS, des analyses territoriales des inégalités face au dépistage des cancers, par un géocodage des bases de données des programmes de dépistage, par une territorialisation des indicateurs relatifs au parcours de dépistage et par une identification des populations potentiellement moins participantes, en intégrant les déterminants socioéconomiques et sanitaires et en s’appuyant sur les acteurs du champ de l’observation au niveau local ou régional (ORS notamment).
 
Action 2.1 : Garantir aux patients, avec l’appui du médecin généraliste ou de l’équipe de premier recours, un premier rendez‐vous avec l’équipe de cancérologie la plus adaptée à leur situation et dans un délai rapide. Aider le médecin généraliste ou l’équipe de premier recours à adresser rapidement leurs patients vers l’équipe de cancérologie adaptée en améliorant la lisibilité de l’offre locorégionale (voire interrégionale pour les cancers de l’enfant ou les pathologies rares ou très complexes), grâce aux réseaux régionaux de cancérologie, en lien avec les ARS en charge de l’organisation de cette offre.

Action 2.2 : Développer une politique active de maîtrise des délais de prise en charge. Confier aux ARS, en lien avec les réseaux régionaux de cancérologie, un suivi continu des délais par la mise en place d’indicateurs spécifiques et de tableaux de bord. Fixer aux établissements ayant des délais importants un objectif contractuel d’amélioration (CPOM ARS/établissement).
 
Action 2.3 : Réduire les inégalités territoriales et harmoniser les délais d’accès à l’IRM et à la TEP. Ajuster le maillage territorial des équipements en IRM et TEP‐CT sous la responsabilité des ARS pour corriger les inégalités d’accès et les situations territoriales identifiées comme critiques. Mettre à niveau le parc existant et aider à l’investissement dans les régions sous‐équipées en IRM.

Action 6.2 : Conforter l’accès aux tests moléculaires. S’assurer avec l’aide des ARS que l’ensemble des patients sur le territoire national (incluant les DOM), ont effectivement accès aux tests moléculaires de génétique constitutionnelle et de génétique tumorale, quels que soient les praticiens et établissements qui les prennent en charge. Plus particulièrement en ce qui concerne les DOM, assurer la continuité territoriale par des partenariats avec des plateformes métropolitaines.

2. Préserver la continuité et la qualité de vie

Action 7.5 : Structurer sous la responsabilité des ARS une organisation territoriale mobilisant les acteurs sanitaires, sociaux et médico‐sociaux impliqués pour assurer une prise en charge globale et coordonnée. L’organisation d’un accompagnement global et coordonné doit permettre d’éviter les ruptures et de favoriser une continuité du parcours de santé. L’enjeu est de mettre en synergie les acteurs qui interviennent aux différents moments de la prise en charge et sur ses divers aspects dans une approche globale des besoins de la personne. Une organisation doit être structurée afin de pouvoir mobiliser les organismes et personnes ressources au bon moment dans une logique d’intervention graduée. Un accompagnement adapté pour les personnes vulnérables ou en situation de précarité doit être conçu dans ce cadre. Cette démarche s’inscrit dans les objectifs de la Stratégie nationale de santé et en résonance avec les outils déployés dans le cadre du pacte territoire santé et les expérimentations des parcours personnalisés pendant et après le cancer. Clarifier les rôles respectifs de l’équipe hospitalière à l’initiative du traitement et de l’équipe de premier recours, en utilisant le dossier communicant de cancérologie comme outil d’interface. Organiser sous le pilotage de l’ARS, en lien avec le réseau régional de cancérologie, l’intervention des différents acteurs impliqués pour répondre de façon graduée à la diversité des prises en charge (réseaux de santé territoriaux, hospitalisation à domicile, prestataires de santé à domicile, professionnels de santé). Cadrer les conditions de leur articulation pour la délivrance de prestations de qualité, de façon équitable pour l’ensemble des patients sur l’ensemble du territoire et s’assurer de la lisibilité de cette organisation. Sur la base des recommandations de la HAS, charger les ARS d’un plan de montée en charge de l’hospitalisation à domicile (HAD) dans le champ du cancer pour la période 2015‐2018, et organiser un maillage territorial pour répondre à un enjeu d’équité d’accès. Élargir les possibilités d’accueil dans des établissements de soins de suite et organiser la continuité de prise en charge dans les établissements et services médico‐sociaux (établissements d’hébergement pour personnes âgées ; établissements et services pour enfants ou adultes en situation de handicap…). La question de la prise en charge des médicaments onéreux dans ces établissements et services doit être prise en compte à cette fin.

Action 7.6 : Assurer une orientation adéquate vers les soins de support pour tous les malades. Organiser sous la responsabilité des ARS un maillage territorial adapté pour les prestations de soins de support (prise en charge de la douleur, diététique, soins palliatifs…), assurer la lisibilité de cette offre et mettre en place un accès coordonné hôpital/ville.

Action 7.9 : Faciliter l’accès des personnes atteintes de cancer qui en ont besoin aux aides à domicile. Réaliser, sous la responsabilité des ARS, une cartographie des dispositifs d’aides à domicile dans chaque territoire.

Action 9.10 : Permettre un égal accès aux actes et dispositifs de reconstruction après un cancer. Favoriser dans les régions peu couvertes l’augmentation de l’offre de reconstruction mammaire sans dépassement d’honoraires. Le Plan doit permettre, d’ici 2020, à toutes les ARS d’organiser un accès à une offre à tarif opposable dans le champ de la reconstruction mammaire.

3. Optimiser le pilotage et les organisations

Action 14.2 : Identifier les expériences et les pratiques innovantes en termes de participation des usagers et des personnes malades. Il s’agira de repérer les expérimentations mises en oeuvre dans les instances de pilotage et de coordination de la lutte contre les cancers (INCa, ARS, cancéropôles, réseaux, EPST…), ainsi que dans les organismes prenant en charge des patients atteints de cancer (fédérations hospitalières, établissements de santé…), en France, mais aussi à l’étranger. Ces expériences pourront avoir été développées dans le cadre législatif actuel (conférences régionales de santé, conseils d’administration, comités des relations avec les usagers…) ou à l’initiative des organismes concernés (comités et consultations ad hoc par exemple). Recenser et analyser les évaluations existantes.

Action 16.4 : Garantir à l’ARS un appui régional fort dans le champ de la cancérologie en misant sur le rapprochement des structures. Conforter le rôle d’appui des RRC auprès des ARS. À la lumière de leur évaluation, actualiser leurs missions et leurs articulations avec les acteurs de proximité.  Promouvoir, dans un objectif d’harmonisation des pratiques et d’efficience, une organisation régionale des structures de gestion en appui des échelons territoriaux. Développer les interfaces entre RRC, structures de gestion des dépistages et registres afin de fluidifier les parcours du dépistage aux soins ; en lien avec la montée en charge du DCC, organiser un rapprochement des systèmes d’information afin de contribuer à l’évaluation des politiques de dépistage et de soins. Favoriser des rapprochements fonctionnels et structurels et expérimenter des structures unifiées sous forme de structures régionales de coordination ou d’appui en cancérologie. Mettre à profit le réexamen des périmètres et missions des différentes structures de coordination pour sécuriser leurs statuts juridiques et consolider leur gouvernance.

dimanche 2 février 2014

La fin de vie des personnes âgées dépendantes mérite de vraies actions innovantes et efficientes

L'observatoire national de la fin de vie (ONFV) vient de publier un rapport intitulé "fin de vie des personnes âgées, sept parcours ordinaires pour mieux comprendre les enjeux de la fin de vie en France". Alors que les débats autour de la fin de vie se poursuivent et que le spectre de l'euthanasie plane toujours, l'ONFV s'inscrit pleinement dans la nécessaire "médecine de parcours", en proposant 7 parcours de santé fictifs. Cancer, maladie d'Alzheimer, hospitalisation en urgence, proportionnalité des soins, lieu de vie, EHPAD, loi Léonetti... : les 7 fiches proposées au lecteur balayent l'ensemble des situations les plus problématiques.




Ce rapport se conclue par "10 propositions concrètes", dont 80% apportent peu de plus-value :
  • Formation des professionnels aux soins palliatifs : médecins coordonnateur d'EHPAD, aides à domicile, personnels des maisons d'accueil spécialisées et des foyers d'accueil médicalisés, avec mise en place de stages croisés entre les structures de soins palliatifs et les établissements médico-sociaux (recommandations n°3, 4, 6 et 7). Si ces formations apparaissent essentielles, ne sont-elles pas d'ors et déjà accessibles aux personnes ciblées ?
  • Création de référentiels pour repérer les situations de fin de vie à domicile (n°5) et dans les services d'urgence (n°8). Ces outils de repérage sont-ils vraiment une priorité ? Vont-ils vraiment contribuer à faire évoluer les mentalités ?
  • Augmentation des moyens des équipes mobiles de soins palliatifs, pour qu'elles puissent vraiment intervenir en EHPAD (n°2). Les moyens déjà alloués aux nombreuses équipes existantes ne sont-ils pas suffisants pour les 2% de résidents des EHPAD en soins palliatifs (source : les soins en EHPAD en 2012, page 26, profils M1 et M2) ? La télé-expertise ne serait-elle pas plus efficiente (qualité comparable à plus faible coût) ?
  • Réflexion autour des situations de fin de vie au sein des revues de morbidité et de mortalité ou RMM (n°9). Si le développement professionnel continu (DPC) semble un bon levier, pourquoi cibler les RMM, qui n'étudient que les décès non attendus, mais pas les situations palliatives ? Les méthodes basées sur la simulation en santé et le travail en équipe (programme PACTE de la Haute Autorité de Santé) ne seraient-elles pas plus adaptées ?

Deux propositions apparaissent vraiment innovantes et potentiellement efficientes :
  1. "Mettre en place une infirmière de nuit pour 250 à 300 places d’EHPAD, le cas échéant de façon mutualisée entre plusieurs établissements". De telles expériences sont déjà mises en place dans certaines régions françaises, par exemple via un groupement d'employeurs, avec une réduction franche du nombre d'hospitalisations la nuit. Si les expérimentations menées sont concluantes sur le long terme, notamment en termes d'économies générées, une généralisation sur tout le territoire français semble intéressant. En effet, au delà du caractère perturbant d'une hospitalisation en urgence, son coût est également important (consultation, actes réalisés, transport) : la décision d'hospitalisation a tout intérêt à être pertinente...
  2. "Faire évoluer les modalités de financement de la prise en charge des personnes âgées atteintes d’un cancer en phase avancée, afin de favoriser la réflexion des équipes d’oncologie sur la pertinence des traitements". En clair, ne plus prendre en charge les traitements déraisonnables, comme le recours à plusieurs lignes de chimiothérapie, dont le rapport bénéfice-risque devient défavorable. Si cette proposition ne manquera pas de provoquer le débat en France, son application est déjà effective dans plusieurs pays européens, du fait de son efficience : meilleure qualité de vie et moindre coût pour la société.

dimanche 12 janvier 2014

Santé mentale : moins de rapports, un meilleur parcours et un financement innovant...

"Une personne sur quatre est susceptible de développer au cours de sa vie un trouble en santé mentale" : telle est la première phrase du rapport d'information sur la santé mentale et l'avenir de la psychiatrie, rédigé par la commission des affaires sociales de l'assemblée nationale, remis à Marisol Touraine le 8 janvier 2014 par son rapporteur, le député Denys Robillard.

Même si la mission chargée de rédiger ce rapport déplore (page 8) l'absence de données "précises et exhaustives", deux choses sont sûres : le nombre de patients pris en charge dans les filières psychiatriques augmente régulièrement et les psychiatres sont en nombre insuffisant pour répondre à la demande croissante en soins spécialisés.


 

Ce rapport comprend 30 propositions, dont la plupart ne sont pas originales compte-tenu du nombre des rapports précédents (voir en page 21 l'analyse synthétique des 15 rapports publiés entre 2000 et 2009). Non sans humour, l'ultime proposition de ce dernier rapport en date... est d'arrêter de produire des rapports, et d'agir ! Un façon claire et nette de dire que les leviers d'action sont déjà connus, le commanditaire appréciera la brute vérité (page 95, proposition n°30 bis : diminuer le nombre de rapports et donner la priorité à la mise en œuvre des recommandations récurrentes).

Ce rapport place le médecin psychiatre au centre du parcours de soins et pointe la nécessité de soutenir son action. Deux pistes principales sont avancées :
  1. Renforcer la place des infirmiers (en rétablissant au passage la formation initiale d'infirmier spécialisé en psychiatrie) et des psychologues dans la prise en charge des patients, dans une double optique : diminuer les délais d'attente (notamment en centre médico-psychologique) et optimiser la qualité de la prise en charge. Réelle innovation : ce rapport brise le tabou d'une prise en charge par l'assurance maladie des consultations réalisées par les psychologues cliniciens, "véritables professionnels qui accomplissent aujourd’hui un travail dans les institutions pour lequel ils ne sont pas nécessairement reconnus, puisqu’ils le font parfois par délégation. Nous avons donc posé la question, peut-être une des plus polémiques, de la prise en charge par l’assurance maladie des psychothérapies qu’ils dispensent. Si nous voulons un développement du secteur ambulatoire et sortir du « tout hôpital », la question devra être posée. Il conviendra d’évaluer les coûts supplémentaires mais aussi les économies rendues possibles. Il m’a donc semblé que, sur la ré-articulation des professionnels, un assez large consensus pouvait aussi s’établir" (voir annexe en page 113 du rapport).
  2. Multiplier les lieux de consultations des médecins spécialistes, en amont et en aval de la filière psychiatrique, c'est à dire au sein des maisons de santé, où sont pratiqués les soins primaires, et au sein des établissements médico-sociaux, notamment d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. A titre d'exemple : "dans le domaine de la dépression, ce travail en commun est important car il n’y aurait que 20 % de chance que la pathologie soit traitée de façon optimale si le généraliste seul la prend en charge. Ce taux passerait à 80 % lorsqu’un binôme médecin généraliste et psychiatre traite le patient" (page 60). Aussi intéressante soit-elle, cette piste semble malgré tout contradictoire avec le constat de faible ressource médicale. Le développement de la télé-expertise (demande à distance par un professionnel de santé d’un deuxième avis médical, dans le cadre de la télémédecine) semble plus approprié mais ce rapport n'y fait même pas allusion...
La prise en charge de la maladie mentale doit devenir une réelle priorité sanitaire et politique, au risque de ne plus être capable d'assurer les soins courants dans une dizaine d'année. Dans cette optique, ce rapport pose aussi la question essentielle des moyens financiers et de leur utilisation, en critiquant l'inadéquation des modèles actuels de tarification, mais, malheureusement, en s'avouant incapable d'orienter les décideurs : "votre Rapporteur, s’il est convaincu de la nécessité d’une évolution, n’a cependant pas pu approfondir suffisamment ses investigations pour établir une recommandation" (page 84, chapitre "un nouveau modèle de financement")...

jeudi 9 janvier 2014

Iatrogénie paradoxale : inquiétude provoquée par les tranquilisants

Les benzodiazépines sont des molécules qui possèdent des propriétés anxiolytiques, hypnotiques, anticonvulsivantes et myorelaxantes ; elles ont vocation à être utilisées sur des périodes courtes, du fait de leurs nombreux effets indésirables, et donc des risques qu'elle font courir lors d'une utilisation chronique (amnésie des faits récents, troubles du comportement, sédation, dépendance physique et psychique...).




Addiction, mésusage, lien avec le développement de la démence chez la personne âgée, risques de chute, consommation élevée par rapport aux autres pays : nombreuses sont les raisons incitant à une rationalisation des prescriptions (indications, doses et durée de traitement). Le 25 septembre 2012, la Haute Autorité de Santé, la Direction Générale de la Santé (ministère de la santé) et l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) annonçaient collectivement des mesures pour lutter contre le mésusage des benzodiazépines. Cible principale : le sommeil des séniors, avec le message suivant : "retrouver un sommeil de qualité, arrêter les somnifères, c'est possible !"




Contre toute attente, le rapport récent de l'ANSM est formel : la consommation de benzodiazépines a augmenté au cours de l'année 2012 :

 
Et pourtant, le nombre de consommateurs est resté stable et certaines molécules phares (clonazépam et tétrazépam) étaient en net recul du fait de changements radicaux de leur mode de prescription et/ou de délivrance. En pratique, ce sont donc les doses et/ou les durées des traitements à visée anxiolytique et/ou hypnotique qui ont augmenté, malgré les efforts des pouvoirs publics. Mis en place au 2e semestre 2012, ces efforts n'ont peut-être pas encore eu le temps de produire leurs effets ; pour autant, l'ANSM annonce d'ors et déjà dans sa conclusion "des mesures de plus grande ampleur et plus restrictives"...

mardi 7 janvier 2014

Maladies chroniques : des parcours ou des actes ?

La prise en charge des maladies chroniques nécessite, le plus souvent, l’intervention de nombreux professionnels, de statut et d’exercice différents, qui contribuent au parcours de soins du patient. Disparités des modes de rémunération, pénurie dans certaines spécialités, freins aux partages de données entre professionnels, insuffisance de coordination : de nombreux facteurs concourent à rendre ces parcours complexes…

Pour s’attaquer au problème, la loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2014 répond par l’expérimentation régionale :
  1. Dans le champ global des maladies chroniques (article 32) : Des expérimentations de nouveaux modes d’organisation des soins peuvent être mises en œuvre, pour une durée n’excédant pas quatre ans, dans le cadre de projets pilotes visant à optimiser les parcours de soins des patients souffrant de pathologies chroniques. Ces projets pilotes concernent soit un nombre restreint de pathologies, dont la liste est fixée par le décret en Conseil d’Etat mentionné au deuxième alinéa, soit un nombre restreint de régions dans lesquelles ils sont mis en œuvre.
  2. Dans le cas particulier de l’insuffisance rénale chronique (article 43) : Des expérimentations peuvent être menées, à compter du 1er juillet 2014 et pour une durée n’excédant pas quatre ans, dans le cadre de projets pilotes destinés à améliorer le parcours de soins et la prise en charge des personnes atteintes d’insuffisance rénale chronique et relevant de l’article L. 324-1 du code de la sécurité sociale.
  3. Pour développer la télémédecine (article 36) : Des expérimentations portant sur le déploiement de la télémédecine, définie à l’article L. 6316-1 du code de la santé publique, peuvent être menées à compter du 1er janvier 2014 pour une durée de quatre ans, dans des régions pilotes dont la liste est arrêtée par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Ces expérimentations portent sur la réalisation d’actes de télémédecine pour des patients pris en charge, d’une part, en médecine de ville et, d’autre part, en structures médico-sociales.

Dans tous les cas, l’objectif est de pouvoir déroger aux règles actuelles de facturation, de tarification et de remboursement, dans l’optique d’un « financement au parcours » (maladies chroniques) et/ou en attendant la mise en œuvre d’une tarification spécifique (télémédecine).




Mais pourquoi vouloir passer d’une logique de financement « à l’acte » à celle d’un financement « au parcours » ? En principe, pour fluidifier et simplifier le parcours de soins, au bénéfice du patient. En théorie, pour optimiser la coordination (pilotage et répartition des crédits entre les acteurs). Et en pratique ? Réponse en septembre 2016, date à laquelle le parlement devra étudier un « rapport d’évaluation des projets pilotes », en vue d’une éventuelle généralisation…

dimanche 5 janvier 2014

La bonne intervention de santé, au bon moment, au bon endroit, pour le bon patient…

Telle est la façon la plus simple et la plus parlante de définir la « pertinence des soins ». A première vue, « la bonne intervention de santé, au bon moment, au bon endroit, pour le bon patient », cela sonne comme une évidence… mais est-ce vraiment si simple ? Pas forcément ; comme l’indique la Haute Autorité de Santé (HAS), analyser la pertinence d’une intervention de santé impose de mettre en balance plusieurs dimensions : l’état des connaissances scientifiques, le rapport entre les bénéfices attendus et les risques encourus, les préférences des patients et la disponibilité des ressources en santé.




Mais finalement, pourquoi s’intéresser à la pertinence des soins ? Faut-il comprendre que certains soins ne seraient pas pertinents ? Le ministère de la santé apporte un début de réponse à ces questions sur son site internet : « les études montrent des variations très fortes des taux de recours aux soins hospitaliers entre les régions et entre les territoires de santé, traduisant l’existence éventuelle de soins non pertinents et/ou de disparités d’accès aux soins ». Il existe ainsi des régions, des départements, des territoires où la population est plus souvent opérée qu’ailleurs d’une appendicite, d’un syndrome du canal carpien, d’une cataracte…

De tels écarts peuvent être liés à des différences démographiques entre territoires, mais aussi à des pratiques différentes entre les professionnels. Afin d’y voir plus clair, le ministère de la santé a fourni aux agences régionales de santé un guide méthodologique pour l’amélioration de la pertinence des soins. L’analyse statistique du taux de recours à l’hospitalisation est le point de départ d’une démarche adaptée à chaque situation régionale. Les professionnels de santé des territoires sont ainsi associés au diagnostic et peuvent contribuer à la mise en place d’actions, « l’analyse et l’amélioration de la pertinence des interventions de santé » faisant partie des méthodes de développement professionnel continu, auquel ils sont soumis depuis le début de l’année 2013.




La HAS a déjà développé un certain nombre d’outils d’amélioration de la pertinence des soins, par exemple sur le thème de l’appendicectomie, de la cholécystectomie ou encore de la chirurgie du canal carpien… A la lecture de son programme de travail 2014, la base documentaire de l’HAS va encore s’enrichir : chirurgie du rachis, hospitalisation pour infection urinaire, endoscopie digestive, arthroscopie de l’épaule, fractionnement des endoprothèses vasculaires, chirurgie du cristallin, tous ces sujets feront l’objet de nouveaux référentiels de pertinence d’ici le premier semestre 2015…

vendredi 3 janvier 2014

Simuler pour mieux soigner : l’exemple de la consultation d’annonce

La simulation en santé correspond à « l’utilisation d’un matériel, de la réalité virtuelle ou d’un patient dit standardisé pour reproduire des situations ou des environnements de soins, pour enseigner des procédures diagnostiques et thérapeutiques et permettre de répéter des processus, des situations cliniques ou des prises de décision par un professionnel de santé ou une équipe de professionnels » (source : site de la Haute Autorité de Santé).




De plus en plus utilisée en santé, la simulation n’est pas une simple formation pratique destinée à acquérir de nouvelles compétences : il s’agit plutôt de confronter des professionnels déjà compétents à des situations stressantes et/ou complexes. Scénario, séance de mise en situation, debriefing, aide à la progression : la simulation en santé s’inscrit pleinement dans le champ du développement professionnel continu, raison pour laquelle il s’agit d’une méthode reconnue par la Haute Autorité de Santé.


http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2013-01/simulation_en_sante_fiche_technique.pdf


Dans son bulletin d’information n°32, l’ordre national des médecins publie un article intitulé « Jouer pour se former » et consacré au programme « ANONS » (pour annonce en oncologie par la simulation) du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) d’Angers. Scénarios réalistes, patients joués par des professionnels de santé membres d’une troupe de théâtre, approche biopsychosociale : tous les ingrédients sont réunis pour que les jeunes médecins (internes et chefs de cliniques) engrangent de l’expérience et de la confiance en eux. La simulation joue ainsi pleinement son rôle de levier d’amélioration de la qualité des soins, au service de la santé publique (la consultation d’annonce étant une mesure phare des différents plans cancer).

Qui plus est, l’expérience des oncologues a donné des idées aux néphrologues du même CHU, confrontés à l’annonce de la maladie rénale chronique et de ses traitements. La satisfaction des patients porteurs d’une maladie chronique étant corrélée à la qualité de l’écoute et des informations fournies, la simulation a manifestement de l’avenir…

Pour approfondir le sujet : Boet S, Granry JC, Savoldelli G. La simulation en santé. De la théorie à la pratique. Editions Springer.